Vous avez de sérieux doutes sur l’efficacité et l’innocuité des médicaments que vous prescrit votre médecin et préférez les médecines alternatives, par exemple à base de plantes ? Vous avez des doutes sur l’objectivité de la procédure de mise sur le marché des médicaments et des conflits d’intérêts de ceux qui gèrent le processus ? Et vous pensez que l’homéopathie est une alternative qui a prouvé son efficacité ? C’est très légitime, mais il y a certaines choses que vous devez savoir sur l’homéopathie.
Le principe de l’homéopathie
Le principe de base de l’homéopathie est qu’à des dilutions infinitésimale, une substance produit l’effet inverse que son emploi non dilué. Et plus la dilution est importante, plus l’effet est puissant. Cet solution doit également être « dynamisée ».
Les dilutions infinitésimales en homéopathie
L’unité de base est le plus souvent la dilution centésimale. CH = centésimale hahnemannienne.
Il est procédé à des dilutions successives et pour passer d’une unité CH à la suivante, un volume de la dilution précédente est dilué 100 fois.
Donc une préparation de 1 CH est une dilution de cent fois de la substance de départ. 2 CH est une dilution de cent fois de la dilution 1 CH, donc de 10000 fois de la substance de départ. A 5 CH, on est déjà à une dilution de l’ordre d’une goute dans 500000 l d’eau. A 6 CH, aucune technologie ne permet plus de déceler des traces de la substance d’origine.
Compte tenu du nombre de molécules dans le volume de la préparation initiale (teinture mère), il est possible de calculer qu’à 10 CH il y a statistiquement environ une molécule du produit de base dans la préparation. Et si l’on prend en compte que la teinture mère utilisée à la base était elle-même constituée majoritairement de solvant, on peut considérer qu’à partir de 8 ou 9 CH, il n’y a plus aucune molécule de produit initial dans la solution obtenue. Et cela va beaucoup plus loin : à 15 CH, une goute de produit de base est dilué dans l’équivalent de 50 fois le volume de la terre. En France, des dilutions jusqu’à 30 CH sont couramment employées et jusqu’à 1000 CH ! dans des pays comme les USA.
Par ailleurs, de nombreux « médicaments » homéopathiques sont élaborés à partir de substances complexes, comme un broyat d’insecte. Comment la dilution infinitésimale peut-elle conserver « l’activité » correspondant à la complexité des milliers de molécules différentes de la substance initiale, quand il ne reste dans le meilleur des cas qu’une molécule ou guère plus dans la dilution ?
Préparation des médicaments homéopathiques : la dilution korsakovienne
Mise au point par un général Russe dans les années 1830 afin de simplifier la préparation, elle permet de n’utiliser qu’un flacon. A chaque dilution, on le vide de la dilution précédente, on le remplis d’eau et on agite. On peut aller ainsi jusqu’à 100000 rinçages successifs.
La dynamisation
Un des “secrets” de l’homéopathie, c’est la dynamisation. En effet, diluer la substance initiale de façon infinitésimale ne suffit pas et la dilution doit être “dynamisée”. En pratique cela est mis en oeuvre par l’application d’un choc mécanique à la solution diluée …abracadabra !
L’effet des impuretés en homéopathie
Les eaux les mieux purifiées contiennent malgré tout un grand nombre de substances autres que l’eau, à cela s’ajoutent les impuretés présentes sur le matériel et celles ce la substance qui va servir de base à la préparation (imaginez lorsqu’il s’agit d’éléments complexes comme un insecte !). Lors de la préparation des « médicament » homéopathiques, ces impuretés sont diluées et dynamisées comme la substance à partir de laquelle la préparation est effectuée. Pourquoi ces impuretés n’ont pas d’effet homéopathique ?
La genèse de l’homéopathie
L’homéopathie, une « médecine traditionnelle » ?
Contrairement aux médecines traditionnelles, qui s’élaborent au fil des générations sur les bases d’un savoir empirique (les expérimentations que constituent leur mise en œuvre), le Dr Hahnemann a élaboré sa théorie sur la base de l’essai sur lui-même d’une substance (écorce de quinquina) ; il a déduit de cet effet un principe universel (de similitude), qu’il a généralisé à toutes les substances. Il s’agit donc de l’élaboration d’un seul homme, bien éloignée d’un savoir traditionnel.
Historique de “la découverte” de l’homéopathie
En 1790, le Dr Hahnemann travaillait à la traduction du Traité de matière médicale de William Cullen sur les effets thérapeutiques du quinquina. Il doutait des conclusions de celui-ci sur son mode d’action et décida de tester ses effets sur lui-même afin de rechercher le mode d’action réel. Dans sa traduction de l’ouvrage, il ajouta des notes personnelles, dont celle-ci : « L’écorce péruvienne qui est utilisée comme remède contre la fièvre intermittente agit parce qu’elle peut produire des symptômes similaires à ceux de la fièvre intermittente chez l’homme sain ».
C’est en 1796 qu’il généralise ce principe sous forme d’une théorie : « un remède ne peut guérir que s’il est capable de produire chez un sujet sain un ensemble de symptômes le plus semblable possible à celui pour lequel il est utilisé chez le malade.»
En 1805 il publie la première “Matière médicale”. Elle comporte les pathogénésies de 27 remèdes.
E 1810 il publie “L’Ornagon de la médecine rationnelle”, qui allait devenir la référence de l’homéopathie et qui connu 6 éditions.
De 1811 à 1821 vont être publiés les 6 volumes de sa “Matière médicale pure”, qui comporte les pathogénésies de 65 remèdes.
Durant ces années, l’homéopathie s’est petit à petit diffusée hors du cercle du Dr Hahnemann et de ses proches disciples, puis dans le monde entier. Il faut dire qu’à l’époque, le moindre des avantages de l’homéopathie n’était pas le fait qu’elle n’empirait pas l’état des malades… ce qui était loin d’être acquis pour la médecine de l’époque.
Aujourd’hui, 1163 “souches” sont répertoriées par l’ANSM…
La détermination des propriétés des substances (expérimentations pathogénétiques)
La détermination des propriétés des traitements homéopathiques est effectuée par l’expérimentation des substances chez l’homme sain (expérimentation pathogénétique). Les effets provoqués sont répertoriés et, sur le principe de similitude, il est admis que les substances pourront en conséquence traiter les pathologies provoquant des symptômes similaires. Ces données constituent la « Matière médicale » homéopathique.
Au fil de l’élaboration du “savoir” homéopathique, certains expérimentations ont été menées avec la substance non diluée (ou peu) et d’autres avec des dilutions infinitésimales. Comment peut-on tirer les mêmes conclusions avec ces deux modes d’expérimentations ? De plus, comment peut-on étudier l’effet pathogénétique d’une dilution infinitésimale (par ex. : 30 CH) si justement la dilution infinitésimale est censé pouvoir lutter contre les symptômes entrainés par la substance non diluée ?
La plupart de ces expérimentations, effectuées au 19e siècle n’ont pas été comparées à l’action d’un placébo, ce qui implique que parmi les symptômes répertoriés, on ne sait pas lesquels sont du ressort de la substance et lesquels le sont de l’effet placébo (ou plutôt nocébo). Il y a également le fait que lorsque l’on se met à l’écoute de son corps, indépendamment de l’effet placébo, on remarque des symptômes qui étaient préexistants mais auxquels on n’avait pas prêté attention. L’importance du biais se mesure lorsque l’on étudie justement les expérimentations qui ont utilisés des placébos : il a été répertorié des centaines d’effets auprès des personnes n’ayant pris qu’un placébo et plusieurs ont même dû interrompre les essais à cause d’effets secondaires trop violents !
Les tests ont souvent été effectués sur un nombre restreint de personnes, parfois une seule ! alors que les effets d’une substance peuvent varier sensiblement d’une personne à l’autre. Sans parler des effets du hasard qui peuvent faire que ce que la personne a ressenti a pu survenir au moment où elle expérimentait la substance, sans qu’il y ait de lien. Comment dans ce baser sur un cas unique pour extrapoler et baser le traitement de milliers de personnes sur ces informations ?
Aujourd’hui toute étude scientifique, pour être prise au sérieux doit être effectuée dans certaines conditions.
Or, peu des expérimentations pathogénétiques respectent ne serait-ce l’un de ces critères et aucune leur ensemble ! D’ailleurs, la plupart du temps dans les cas où une substance a été réexpérimentée, les résultats obtenus ont été très différents.
Pour certains « médicaments » homéopathiques il n’a même jamais été effectué d’expérimentation pathogénétique !
La personnalisation des traitements
L’homéopathie a pour principe que les traitements doivent être adaptés à chaque personne car ils peuvent avoir justement des effets différents et elle répertorie à ce propos différents « types » caractéristiques (basés sur des traits caractériels et morphologiques) qui seraient plus sensibles que d’autres à certaines substances. Malgré cela, il n’en a été tenu aucun compte pour les expérimentations : l’effet n’a pas été testé (et encore moins comparé) sur des sujets de type sensible.
En pratique, les « médicaments » homéopathiques sont très souvent utilisés sans personnalisation du traitement, les patients achetant directement les produits à la pharmacie sans prescription médicale. D’après le principe même de l’homéopathie, ces traitements devrait le plus souvent ne pas être efficaces. Et pourquoi certains traitement sont-ils vendu par les laboratoires pour une indication précise ? puisque chaque traitement est censé être élaboré sur mesure pour une personne.
L’efficacité de l’homéopathie
Une guérison est-elle la preuve qu’un traitement est efficace ? Les arguments ci-dessous ne sont pas propres à l’homéopathie.
Lorsqu’on est malade et que l’on prend un traitement, la guérison peu avoir plusieurs origines, non exclusives les unes des autres :
- La guérison spontanée (la plupart des pathologies guérissent spontanément en quelques jours).
- L’effet placébo du traitement qui est capable de guérir 20 à 80 % des malades selon les pathologies.
- L’effet de la relation avec le médecin. Notamment pour les médicaments : la manière dont ils sont prescrits par le médecin et perçus par le patient.
- L’effet du traitement.
Que le traitement soit homéopathique ou autre, il est donc impossible de prime abord de savoir quels éléments sont à l’origine de la guérison. Seule une étude scientifique réalisée dans les règles de l’art et notamment en double aveugle peut apporter des réponses sur l’efficacité d’un médicament. Et donc le fait qu’un traitement homéopathique guérisse souvent les malades de veut rien dire en soit.
L’inoffensivité des « médicaments » homéopathiques
Si l’action des substances est augmentée par leur dilution infinitésimale et leur dynamisation. Pourquoi seules les propriétés thérapeutiques seraient-elles conservées et amplifiées par la dilution et pourquoi ne serait-ce pas le cas de propriétés négatives ou toxiques ?
Les résultats vétérinaires en homéopathie
Les partisans de l’homéopathie citent souvent les effets des traitements vétérinaires pour prouver leur théorie en arguant que les animaux ne sont pas sensibles à l’effet placébo.
Or, comme pour les traitements humains, la guérison animale peut avoir plusieurs causes outre le traitement médical ; et notamment l’évolution naturelle vers la guérison, ainsi que la différence de traitement.
Il est donc nécessaire pour prouver quoi que ce soit d’effectuer des études en aveugle avec constitution d’un groupe témoin. Voir plus bas les informations sur les essais cliniques pour plus d’informations.
D’autre part, en homéopathie vétérinaire ce sont les traitements humains qui sont utilisés par extrapolation des symptômes. Alors que la logique fait penser qu’il serait plutôt souhaitable de rechercher des traitements conçus en fonction de la physiologie et des pathologies animales.
Pas d’AMM pour les « médicaments » homéopathiques
Contrairement à tous les autres médicaments, les « médicaments » homéopathiques n’ont pas besoin d’AMM (procédure d’Autorisation de Mise sur le Marché) pour être commercialisés.
Ils bénéficient de dérogations dues au fait qu’ils ne font pas partie des « médicaments pour lesquels une indication, une posologie, une population cible, une durée de traitement et une voie d’administration sont revendiquées ». Plus d’infos sur le site de l’ANSM.
Grâce à cela, ils échappent à la plupart des contrôles et notamment à celui de leur efficacité.
De plus, comme certains « médicaments » homéopathiques sortent du cadre des dérogations, ils sont commercialisés en utilisant des procédés destinés à contourner la règlementation en étant vendus comme préparations magistrales (censées être préparées à la demande par le pharmacien) alors qu’ils sont préparés de façon industrielle par les laboratoires.
Les essais cliniques
Le principe des essais cliniques
Pour déterminer l’efficacité d’un médicament, il ne suffit pas de constater que l’état des patients traités s’est amélioré. En effet de nombreux paramètres entrent en compte dans la guérison ou l’amélioration de l’état d’un malade.
- La guérison spontanée : la plupart des pathologies évoluent spontanément vers la guérison, souvent grâce à l’action du système immunitaire.
- L’effet placébo du traitement. De nombreux essais cliniques avec administration d’un placébo ont donné d’excellents résultats : amélioration dans 20 à 80 % des cas (moyenne 30 %) selon les pathologies.
- L’effet de la relation avec le médecin. Sur ce point, les spécificités de la consultation homéopathique (relations praticien / patient, personnalisation du traitement) semblent avoir une action plus importante que les consultations médicales habituelles.
- L’effet du traitement.
De plus, afin d’éviter certains biais, il est nécessaire que les essais respectent certaines conditions :
Double aveugle : les patients sont séparés en deux groupes, l’un traité avec le médicament à tester, l’autre traité avec un placébo ou un médicament de référence, mais afin que les résultats soient objectifs, ni les patients ni l’équipe soignante ne savent à quel groupe appartiennent les patient jusqu’à l’analyse des résultats.
Randomisation : l’affectation des patients à l’un ou l’autre groupe est effectuée par tirage au sort.
Nombre de sujets traités suffisants : afin d’exclure une différence entre les deux groupe due au hasard, ils doivent comporter un nombre suffisamment important de patients.
Confirmation par d’autres équipes : les résultats d’un essai clinique ne sont admis par la communauté scientifique qu’après qu’ils aient pu être reproduits par d’autres équipes de recherche.
Rigueur : nécessité de préciser avant le début de l’essai quels seront les éléments qui serviront à conclure du résultat. En effet, avec le grand nombre de données produits par un essai clinique, il est souvent possible en cherchant bien de trouver un cadre (ex. : sous-groupe) dans lequel les résultats seront positifs.
Ensuite, tous ces paramètres et donc la qualité de l’étude sont validés lors de soumission de la publication à une revue scientifique à comité de lecture. Les conditions de l’expérimentation sont étudiées par les scientifiques du comité de lecture, qui décident ensuite de publier ou non.
Enfin, les résultats ne sont définitivement admis qu’après reproduction des résultats par d’autres équipes de chercheurs.
Aucun résultat d’essai clinique ne peut être prix au sérieux sans respecter toutes ces conditions.
Les essais cliniques en homéopathie
Aucun essai clinique publié respectant tous les critères nécessaires à la validité des résultats d’un essai clinique (notamment la reproductibilité par d’autres équipes) n’a montré une efficacité supérieure d’un médicament homéopathique par rapport à un placébo. D’ailleurs, quasiment aucune publication concernant l’homéopathie n’a été effectuée dans des revues internationales à comité de lecture, comme le font toutes les autres disciplines scientifiques. Les enjeux économiques sont importants et si les laboratoires produisant des « médicaments » homéopathiques pouvaient prouver quelque chose de leur action, cela ne ferait-il pas longtemps qu’ils l’auraient fait ? d’ailleurs, il y a eu de nombreuses tentatives avortées !
Conclusion
Les conditions de la genèse de l’homéopathie sont importantes, car l’homéopathie s’est construite sur une théorie qui a ensuite été conservé telle quelle sans être remise en cause ni vérifiée scientifiquement, devenant littéralement un dogme, à l’image de la psychanalyse. Cela n’est pas très étonnant, les laboratoires Boirons ayant un quasi-monopole sur la fabrication et la vente de « médicaments homéopathiques », avec les enjeux financiers que cela implique.
Aujourd’hui, les adeptes de l’homéopathie sont des personnes qui ont identifié les travers de la médecine allopathique, notamment liées aux intérêts financiers des grands labos, de la législation sur mesure faite pour eux et des conflits d’intérêt des décisionnaires. Or, loin d’être une médecine naturelle et traditionnelle, l’homéopathie est aussi le produit des mêmes intérêts financiers.
Les principes de base de l’homéopathie, qui ne paraissaient pas étonnants à la lumière des connaissances de l’époque apparaissent comme complètement absurdes si l’on y regarde aujourd’hui de plus près, même s’il y a eu quelques tentatives malheureuses de trouver une explication scientifique, comme les recherches sur la « mémoire de l’eau », du Jacques Benveniste. Et on peut se demander pourquoi seul un laboratoire commercialise cette thérapeutique.
Annexe : Communiqué de l’Académie Nationale de Médecine
16 RUE BONAPARTE – 75272 PARIS CEDEX 06
TÉL : 01 42 34 57 70 – FAX : 01 40 46 87 55
COMMUNIQUÉ
au nom de la commission II (Thérapeutique – Pharmacologie – Toxicologie)
Faut-il continuer à rembourser les préparations homéopathiques ?
Maurice GUÉNIOT (Membre de l’Académie nationale de médecine)
L’homéopathie est une méthode imaginée il y a 2 siècles à partir d’a priori conceptuels dénués de fondement scientifique.
Elle a vécu jusqu’à maintenant comme une doctrine à l’écart de tout progrès et un secteur marginal, complètement en-dehors du remarquable mouvement scientifique qui a bouleversé la médecine depuis deux siècles en faisant de celle-ci un secteur essentiel de la vie de l’humanité.
De façon surprenante cette méthode obsolète continue à avoir de nombreux partisans des préparations homéopathiques continuent à être produites et vendues d’ailleurs uniquement au public car dans aucun secteur de la médecine elles ne sont achetées et utilisées par les centres hospitaliers.
Mais il est également surprenant que le Ministère de la Santé leur accorde des autorisations de mise sur le marché et un remboursement par la Sécurité Sociale à ses assurés.
Il est compréhensible que la vente de ces préparations soit autorisée au moins dans la mesure où elles ne sont pas toxiques et ne constituent donc pas un danger pour le consommateur ; et dans un pays comme le nôtre avec sa tradition de liberté il n’est pas question d’entraver leur fabrication et leur commercialisation ; encore faut-il ajouter que celles-ci s’accompagnent souvent d’une publicité plus ou moins intéressée ce qui est une dérogation à la situation habituelle dans le domaine de la santé.
Mais cette propagande présente ces préparations d’un type très particulier comme des médicaments. Or quand on les examine en détail on voit qu’elles ne répondent en rien à la définition du médicament ni dans leur nature ni dans leur destination.
En ce qui concerne leur nature on sait qu’elles sont produites par une successions de dilutions allant jusqu’à l’échelle centésimale : à ce niveau nos moyens d’investigation ne permettent plus la mise en évidence d’une seule molécule de la substance originelle.
En dépit de cet obstacle majeur, la plupart des produits homéopathiques sont présentés abusivement comme efficaces dans des secteurs variés. Ici il faut souligner qu’ils se placent dans une illégalité totale. En effet, le Code de la santé spécifie qu’un médicament doit présenter un « intérêt thérapeutique » ; et la preuve de cet intérêt doit être fournie par une succession d’essais pharmacologiques et cliniques y compris des comparaisons en double aveugle.
Or tous les médicaments en vente en France s’astreignent à observer cette lourde procédure mais seuls les producteurs de soi-disant médicaments homéopathiques s’en abstiennent résolument. Quelles que soient les mesures que le Ministère jugera devoir prendre, l’Académie de médecine estime qu’il faudra exiger la démonstration d’activité de ces produits comme le font tous les laboratoires diffusant des médicaments en France ; déjà, dans un rapport qu’elle avait voté à l’unanimité en 1987 l’Académie soulignait que les produits homéopathiques devraient être soumis au droit commun qui régit l’industrie pharmaceutique.
En même temps, il est inadmissible de tolérer que ces produits fassent état d’indications très vagues ou très générales sous la formule fréquemment employée de « médicament homéopathique traditionnellement indiqué dans…. » avec des indications du type « troubles digestifs ».
Dans ces conditions, le remboursement de ces produits par la Sécurité sociale apparaît aberrant à une période où, pour des raisons économiques, on dérembourse de nombreux médicaments classiques pour insuffisance (plus ou moins démontrée) du service médical rendu.
Qui plus est, cette mesure n’aurait rien d’exorbitant car elle a été prise par beaucoup de pays notamment en Europe. C’est tout récemment, en fin 2003, que le gouvernement allemand a décidé de supprimer le remboursement des médicaments homéopathiques par les Caisses de maladie.
Mais c’était déjà le cas en Italie, en Espagne, en Finlande, en Suède, en Norvège et en Irlande.
Dans le cadre de la réforme actuelle de la Sécurité sociale française, cette mesure de suppression de la prise en charge de l’homéopathie viendrait donc à son heure. Rappelons aussi que l’Académie nationale de médecine n’est pas seule à le demander ; dans les années passées la Commission ministérielle de la Transparence avait voté à l’unanimité cette demande et ceci à deux reprises à plusieurs années d’intervalle.
L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 29 juin 2004, a adopté le texte de ce communiqué (2 voix contre, quatre abstentions).
Pour copie certifiée conforme,
Le Secrétaire perpétuel,
Professeur Jacques-Louis BINET